Note de l’éditrice:
4/5
Description
Le Spot est un des lieux de rassemblement des adeptes du Parkour, une activité branchée, que certains décrivent comme un art du déplacement. D’autres parleront plutôt d’un art de vivre et d’envisager les obstacles. Plus concrètement, il s’agit d’une façon de marier des techniques de marche, de sauts, de transferts de poids et de gymnastique, afin de parvenir à sauter d’un obstacle à l’autre, d’en descendre sans escaliers ni égratignures, ou encore, de grimper un mur de plusieurs mètres avec une paire d’espadrilles ordinaires pour tout attirail.
Le moins que l’on puisse dire est que cette technique pique sérieusement la curiosité. Mais de là à être prêts, un beau jour, à céder aux encouragements d’un entraineur qui nous incite à bondir ou à marcher sur une poutre, à quelques mètres au-dessus d’un sol de ciment, cela ne reste-t-il pas déjà un grand saut à accomplir? Rien n’oblige à se rendre aussi loin la première fois. Mais il en faut pour tous les goûts, puisque, outre les séances d’initiation et les formations qui s’adressent aux purs dilettantes et aux camps de jours, , l’espace accueille des pompiers, des cascadeurs ainsi que d’autres artistes partageant le goût du risque.
Étant donné la récence de l’engouement au Québec, on peut quand même se demander où l’entreprise trouvera des maîtres à penser inspirant suffisamment confiance pour qu’on ose se lancer dans le vide. Étonnamment, durant ses cinq premières années d’existence, le Spot a réussi à en rassembler quelques-uns ayant cumulé une vingtaine d’années d’expérience, doublée d’une formation didactique, pour mener l’aventure et préparer une nouvelle génération de formateurs.
D’ailleurs, tout comme dans le cas d’une séance d’art martial, on s’y rend davantage pour la qualité de l’enseignement et les prouesses du maître que pour l’apparence du gymnase. Bien sûr, il faut un bon nombre de poutres, de barres, de blocs et de murs de différentes hauteurs pour contribuer à acquérir les rudiments de cette activité. Mais il ne faut pas s’attendre à une méga-infrastructure comme celle des grands centres d’escalade, de paintball ou de skatepark. Mais un seul point d’appui peut servir à une multitude de gestes et, comme le but et de grimper, de descendre et de sauter, une vaste superficie n’est donc pas nécessaire pour que chacun puisse explorer toutes ces possibilités.
Et l’approche proposée aux nouveaux venus est loin de se limiter à sauter et à redescendre. Des explications techniques, incluant quelques notions de physique, font partie intégrante de l’apprentissage. Puis, des mises en situation faisant appel à l’esprit d’équipe et à la débrouillardise, permettent d’y faire appel aux nouvelles techniques qui viennent d’être acquises, d’une façon un peu plus spontanée. Donc, pour un moment, le fantasme de se sentir comme un Ninja ou un Spiderman …sous supervision devient à portée de main, ou de pieds.
Mais pour ceux qui deviennent accrocs, après une première visite, l’évolution peut continuer, pas à pas, à travers les cours débutants, intermédiaires et avancés, ainsi que du temps de gymnase prévu pour la pratique libre, pouvant occuper plusieurs heures par semaine, pour ceux qui maîtrisent déjà les bases. Une augmentation de la vitesse, une meilleure utilisation de la force ainsi que l’aspect esthétique peuvent alors se bonifier avec le temps.
Mots-clés : Parkour, poursuite, entraide, communication, auto-évaluation, gestion du risque
Critique de l’éditrice
Bien qu’il accueille parfois de groupes, le Spot n’a pas encore tenté de se tailler une place dans l’industrie de la consolidation d’équipe : un choix étonnant et presque dommage, car rares sont les activités plus physiques qui parviennent intégrer autant de défis sollicitant l’entraide et de soutien mutuel.
Quel que soit le niveau physique des participants, l’approche personnalisée proposée aux non-initiés permet d’y faire des bonds impressionnants, tant au sens littéral que littéraire. Il est vrai que tous ne sont pas égaux devant le défi que représente une première expérience : la force et l’équilibre de certains jouent à leur avantage. Pourtant, chacun, et peut-être surtout les personnes moins habiles, peuvent s’y découvrir franchement étonnés par ce que leur corps parvient à réaliser.
L’observation du moniteur et de ses propres coéquipiers peut aussi créer assez rapidement un effet d’émerveillement et d’émulation, car ceux qui ont l’honneur de parvenir en moins d’une heure à sauter, grimper sur un mur, faire une roulade et retomber sur leurs pieds de façon élégante impressionnent, tant par l’aspect spectaculaire que gracieux de leurs gestes.
Mais l’esprit de solidarité que favorise le Spot ne tient peut-être pas tant à l’activité elle-même qu’à la remarquable qualité pédagogique de l’encadrement. La compétence à intervenir de façon positive, avant que les allusions sur les différences de performance n’empoisonnent le climat, constitue le maillon faible de plusieurs activités de groupe proposées ailleurs. Or, ici, l’accent est mis dès de départ du l’acceptation de soi et des autres. Et si, en ce sens, Pascal Lecurieux, qui nous accompagne, se montre très patient face aux difficultés physiques, il garde constamment la barre très haute en ce qui concerne l’obligation du soutien mutuel.
Plus l’heure avance, plus les participants sont appelés à chercher les réponses entre eux pour améliorer un geste et à verbaliser leurs suggestions, pour parvenir ensemble à leur objectif, malgré les différences d’aptitudes. Cette exigence atteint son comble lors des trois activités de groupe, qui constituent la partie la plus créative de l’activité et occupent au moins un bon tiers du temps prévu.
Bien que, lors de cette dernière étape, les participants soient appelés à faire des choix, le moniteur détourne discrètement l’attention de ceux qui pourraient représenter un risque grave. Par contre, tout au long de l’activité, certains risques mineurs deviennent plus difficilement évitables : il faut s’attendre à ce que des membres moins adroits du groupe en reviennent avec quelques courbatures et ecchymoses (ce fut mon cas). De plus, cette suite de montées et de descentes peut mener la vie dure au système vestibulaire, et les personnes plus vulnérables aux vertiges risquent d’avoir le cœur au bord des lèvres, même si les variations de hauteur ne sont que de quelques mètres.
Côté aménagement physique, la dimension de cette salle de parkour est comparable à celle d’un gymnase que l’on retrouverait dans une école primaire. Son espace vestiaire, mixte, est aussi assez restreint et un coup de peinture, à certains endroits, et pourquoi pas, quelques graffitis seraient les bienvenus. Mais rien n’est chambranlant et, lorsqu’on se lance contre un mur pour la première fois, c’est tout ce qui importe… avec les coups d’éclat de ses collègues.
Marie-Hélène Proulx, fondatrice