Crédits photos: Les Productions Organijeu
Envisager de devoir ressortir tout un attirail d’évaluations détaillées au moindre barbecue peut en dissuader plusieurs, et avec raison. À l’avis des experts et même des animateurs d’activités de Team Building, cela ne remet pas en question l’importance des évaluations, mais devrait plutôt inciter à mieux cibler les contextes propices à celles-ci et les interrogations adaptées à chaque type de rencontre. Cette remise en question devrait aussi aider à accorder à la satisfaction la place, et la pertinence, qui lui revient.
L’essentiel du plaisir
Le fondateur d’Organijeu, Daniel Girouard, mentionne d’ailleurs d’emblée que, durant les dernières décennies, la notion de Team Building n’a cessé d’être des plus galvaudées : « Le vrai Team Building suppose de cerner des objectifs et de les mener à terme avec une certaine organisation. Cela prend une préparation ainsi qu’un retour à la fin. Par contre, il y a beaucoup de gens qui vont dire que juste être ensemble et avoir du plaisir équivaut pour eux à une forme de Team Building. ».
Plusieurs de ses clients ont d’ailleurs pris l’habitude de faire appel à ses services chaque année, ces moments de jeux et de plaisir sont maintenant intégrés à leur culture organisationnelle. Monsieur Girouard persiste tout de même à croire que la dimension de plaisir doit demeurer prise au sérieux, même si l’activité tend vers des objectifs de consolidation plus spécifiques :
« On essaie de le maintenir autant avant, pendant, qu’après. Si la notion de plaisir n’est pas présente, tant dans l’organisation que durant la journée, c’est compliqué parce que cela devient difficile ou que les gens n’adhèrent pas. » Daniel Girouard, fondateur d’Organijeu
De l’agréable au durable
Andrée Laforge, MBA et CRHA, a fait de l’analyse des données en ressources humaines un des champs d’expertise de Syntell Capital humain, dont elle est la vice-présidente. Cette passion pour la méthode ne l’a pas empêchée, de se prêter à une activité de consolidation d’équipe et à l’évaluation informelle qui s’en est suivie. Elle demeure cependant assez sceptique quant aux conséquences à long terme qui pourraient persister après ces commentaires positifs: « Mais ça, c’était le vendredi, donc la journée même. Il reste maintenant à voir si le lundi, le mardi, le mercredi, il en restera quelque chose. Je ne crois pas que cette activité va permettre de devenir une meilleure équipe, mais cela permet de décloisonner un peu, parce qu’il y avait beaucoup de nouveaux que l’on ne connaissait pas beaucoup. »
L’expertise qu’a pu développer le chercheur et professeur en ressources humaines Michel Cossette l’amène néanmoins à reconnaître l’importance de la satisfaction des bénéficiaires d’une activité de consolidation ou de formation reliée au milieu de travail. Il croit que cette satisfaction gagnerait à être mesurée, dans un premier temps, peu après l’activité, et plus tard. Mais sa définition de la satisfaction va bien au-delà de celle du plaisir : « Kirkpatrick disait, à propos d’une activité de formation, que les gens y réagissent avant même d’y faire appel. On peut leur demander s’ils sont satisfaits des éléments en place et des stratégies d’apprentissages véhiculées par le formateur. Aussi, que pensent-ils du contenu ? Voient-ils une certaine utilité de formation, en fonction de leur emploi ? On pourrait faire le même raisonnement à propos d’une activité de Team Building. »
Michel Cossette souligne toutefois que plusieurs éléments doivent être mis en place afin que les premiers intéressés se livrent à des réponses honnêtes. Premièrement, les répondants doivent avoir la certitude que les questions qui disent sonder la satisfaction ne constituent pas un moyen détourné de les évaluer. Il serait bon également que les répondants aient été assez sensibilisés aux raisons pour lesquelles leur avis est important, si l’on veut qu’ils y répondent avec soin :
« Pour moi, évaluer, c’est demander ‟OK, ça marche, alors pourquoi ça marche ? ” Ou ‟Ça ne marche pas, pourquoi ça ne marche pas ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour améliorer les choses ?” Mais si l’évaluation sert à sanctionner, c’est clair que l’on va tuer la culture d’évaluation de l’organisation. » Michel Cossette, chercheur et professeur au HEC
Parlons franchement de satisfaction
Andrée Laforge est également familière avec cette réticence des employés, parfois justifiée, à donner leur véritable avis, au point d’en considérer les résultats trop positifs comme un signe probable d’anomalie, lorsqu’elle est appelée en renfort pour diagnostiquer une dynamique d’entreprise. Le désir de plaire au gestionnaire peut en effet jouer pour beaucoup. Elle croit aussi que la démarche qui mènera à des réponses transparentes suppose que le gestionnaire ose manifester sa transparence dès le départ, en abordant les préoccupations qui le pousse à évaluer ou à chercher à stimuler la mobilisation, une franchise qui peut sembler exigeante : « Quand on fait une activité de Team Building, c’est parce que l’on a un objectif, comme patron ou comme entreprise. Il faut que cet objectif soit clair et partagé aux gens, parce que les gens ne sont pas idiots. On pourrait dire : ‟On va faire une activité parce que l’on sent que l’on est moins dynamique qu’avant. On sent qu’il y a plus d’animosité entre les gens et on veut améliorer cela.” »
Ensuite, la façon de recueillir les résultats doit absolument garantir suffisamment la confidentialité d’un individu ou d’un groupe pour leur éviter de craindre des contrecoups fâcheux, en cas d’insatisfaction. Les contextes de tour de table ou d’entrevues individuelles peuvent alors sembler moins propices à cet anonymat. Michel Cossette ajoute que même les sondages doivent s’imposer plusieurs règles éthiques pour le garantir : « Si on procède par sondage, il y a moyen d’aller chercher ce que l’on appelle un profil de répondants. On peut isoler ces répondants et analyser leurs réponses en fonction de leur statut. Mais cela exige une masse critique d’informations. Si on n’a que deux programmeurs, c’est un peu gênant de n’analyser que ces deux-là. ». Il suggère d’ailleurs de faire appel à une ressource externe pour recueillir les résultats, lorsque cette confidentialité peut être remise en cause.
Daniel Girouard attire néanmoins l’attention sur le fait que le but du recueil des impressions à chaud, après l’activité, qui ne dure parfois que quelques minutes, ne vise pas qu’à nourrir les mégadonnées sur la productivité à venir, mais souvent davantage à proposer un temps d’arrêt, où chacun à l’occasion de réfléchir aux liens qu’il entretient avec son entreprise. Sans remettre en question cette pratique, Michel Cossette prévient que, quelle que soit la façon choisie de se mettre au parfum des impressions post-animation, les questions doivent se limiter à ce que le gestionnaire est réellement prêt à changer. Car, demander à des participants de s’exprimer signifie toujours prendre le risque d’éveiller chez eux l’espoir d’être entendus, un espoir qu’il faut savoir préserver, selon monsieur Cossette :
« Demander les avis et ne pas en tenir compte, c’est extrêmement nocif. Mais si on se sent prêt à les incorporer, on peut dire ‟Tel et tel commentaire sont ressortis, on prend acte, et, je crois que la prochaine fois, on va demander à la personne qui fait l’intervention, qu’elle soit à l’interne ou externe, d’améliorer en fonction de votre feed-back et, on va aller dans cette direction pour atteindre les cibles.” » Michel Cossette
Pour situer pertinence d’évaluer ses activité de consolidation d’équipe et les identifier les risques à ne pas le faire, retournez à Un monde du travail prêt au risque d’évaluer? déjà paru
Pour connaître les nouvelles méthodologie pouvant contribuer à évaluer les participants, au retour d’une activité de consolidation d’équipe, en ciblant les aspect plus humains, lisez Des évaluations sur mesure, pour les gestionnaires de demain, déjà paru.
Pour savoir comment évaluer les caractéristiques d’une activité et quelle question poser à ses partenaire, avant de choisir une activité de consolidation d’équipe, consultez Au service d’un meilleur savoir-être, dans les semaines suivantes.