Les lacs-à-l’épaule: pourquoi?

Une accessibilité continue, par le web, à quiconque sur la planète, en tout temps, est devenue une base du fonctionnement professionnel efficace et a réduit significativement les dépenses de déplacements ou de représentation. Dans un tel contexte, investir pour entrainer ses décideurs à se retirer du monde afin de mieux réfléchir ensemble a-t-il encore un sens? S’agit-il d’un relent d’une époque aussi décalée de notre réalité qu’une vieille histoire de pêche?

Pour affronter une réalité complexe

On se voit maintenant obligé de prendre en considération autant les murmures qui trament l’avenir aux fins fonds de la Chine que les revendications de ses voisins concernant le local et l’écologique. Et c’est justement parce que le monde des affaires se complexifie que ce temps d’arrêt devient plus essentiel que jamais :

« À mon avis, il y a beaucoup trop de décisions qui vont se prendre de façon relativement autonome, par une ou deux personnes. Et on est rendu dans un univers où le niveau de complexité est tellement grand que l’on n’a pas le choix, si on veut avoir une vision d’ensemble des variables qui affectent notre organisation, de faire un temps d’arrêt, une pause, qui nous permet justement, collectivement, de pouvoir s’interroger, analyser et regarder la problématique sous tous les angles. » – Michel Arcand, UQTR

Taïeb Hafsi, professeur de management aux HEC, remarque aussi que, dans ce processus que des organismes, comme Centraide, organisent chaque année, et auquel il a eu la chance de participer, ces échanges permettent de découvrir des aspects qui, sinon, auraient été simplement inaccessibles aux hauts dirigeants. Ainsi, cette expérience lui a fait prendre conscience que les données théoriques ou statistiques, si détaillées soient-elles, ne suffisent pas à dresser un portait sur des points que, souvent, on ne penserait pas à sonder : « Parce que finalement, c’étaient des perspectives que les autres ne connaissaient pas. On apprenait comment les gens réagissaient à l’évaluation, comment cela se passait dans les organismes communautaires, tandis que d’autres pouvaient parler des rapports avec les entreprises et les donateurs. »

Mais déjà, le projet d’une retraite peut sembler bien grand à une plus petite organisation; pourtant, remarque Michel Arcand, professeur en gestion du changement à l’Université de Trois-Rivières, les petites entreprises sont touchées par les mêmes impératifs de transformations du marché que les grandes: « Je prends par exemple General Motors, qui est une méga-entreprise, et une PME X, par exemple, dans le domaine de la construction des produits mécaniques automobiles. Dans les deux cas, ils ont à peu près le même environnement. ». Elles seraient même peut-être plus directement concernées, puisqu’un nombre plus restreint de personnes y ont toute la responsabilité de s’inspirer de ces opportunités et de ces menaces pour se créer une expertise maison.

Du recul pour revenir à soi

Pourvoirie Seigneurie du Triton

Michel Arcand prévient cependant que de tenter de reproduire ce qui a fonctionné chez General Motors ne constitue pas non plus la recette secrète de la réussite du détaillant de mécanique du coin, puisqu’un véritable changement bénéfique doit avant tout constituer une réponse aux besoins spécifiques d’une entreprise. Une telle réflexion, qui prend en considération les résistances, souvent légitimes, évitera ainsi à l’entrepreneur des transformations coûteuses et mal adaptées à sa situation : « C’est que, souvent, les gens vont arriver, et vont voir quelque chose qui leur semble intéressant; et c’est vrai que cela l’est. Mais si on pense, par exemple, aux gens qui ont essayé d’intégrer le modèle de production japonais à partir des années 80 : ils ont tous échoué parce que le terreau dans lequel ils ont voulu l’implanter n’était pas le bon. »

Et pour qu’un besoin puisse orienter vers une solution, Michel Arcand souligne qu’il faut avoir pris le temps de le comprendre, en se permettant de prendre une certaine distance avec la logique des opérations de l’entreprise : « L’objectif premier du lac-à-l’épaule est plutôt de dire ‟On a un symptôme, voici ce qu’il en est ”, ‟ On a X problématiques, qui se manifestent par tels symptômes”. Une fois que celles-ci sont identifiées, et elles n’ont pas toutes la même importance, on cherche les causes. Admettons que l’on a un temps de production qui est trop long : qu’elles sont les causes ? Il peut y avoir des causes humaines, des causes techniques… Alors là, on les décline. Une fois que ces causes sont bien identifiées, on décide lesquelles on va attaquer en premier et comment. C’est là que l’on va amener nos actions. »

 

Pour s’entendre en même temps, sur les mêmes choses

Pourvoirie de la Seigneurie du Triton

Mais pourquoi aller chercher si loin des réponses que l’on pourrait espérer trouver autour de la machine à café, au coin de son bureau ou lors d’une journée qui s’étire autour d’une pizza? Premièrement, répond Taïeb Hafsi, parce que de rassembler tous les cadres, du marketing, de la finance, des ressources humaines ou autres, à un même endroit, pour entendre les mêmes choses, suppose souvent que l’on crée un événement pour y parvenir : « C’est la partie la plus difficile, malgré tout ce que l’on pense. Le lac-à-l’épaule et l’occasion de ne pas avoir à résoudre des problèmes de coordination, puisque tout le monde est autour de la table. ». Et encore, il ne suffit pas d’être au même moment au même endroit. Encore faut-il être disposé à s’écouter, ce qui suppose non seulement une présence physique, mais aussi une capacité de dépasser les tensions que génèrent les intérêts divergents, entre silos professionnels :

« Elles ne disparaissent pas, mais elles sont réduites par le fait que les gens interagissent à un niveau qui n’est plus seulement le niveau professionnel : les personnes sont affectées par le niveau social, parce que, finalement, ce sont des personnes qui se rencontrent, mangent ensemble, ont des loisirs ensemble, cela réduit les tensions qui sont propres au contexte de rivalité professionnelle que l’on trouve dans l’entreprise. » – Taïeb Hafsi, HEC

Marie-Hélène Proulx, fondatrice

Pour en savoir plus :

Taïeb Hafsi, Saouré Kouamé (2018) La solidarité en crise, Centraide et la nouvelle philanthropie

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Marie-Hélène Proulx
Fondatrice en 2017 de Portail Immersion, Marie-Hélène est avant tout une passionnée des activités et des loisirs immersifs avec une très grande expérience dans la production de répertoire pour les loisirs et la jeunesse.