Photo de Kenny Webster sur Unsplash
Ces expériences partagées s’avèrent parfois assez fortes pour que certains clients fassent le choix de revenir, année après année. Et, bien que, durant longtemps, les mots aient manqué pour décrire les bienfaits de cette expérience déstabilisante avec un être sans paroles, la formatrice Sandra Friedrich constate maintenant avec bonheur que les bienfaits sont de plus en plus reconnus.
Cette dernière doit toutefois faire quelques mises au point avec ses clients qui s’adresseraient à elle l’esprit empreint de romantisme ou de théories publiées à propos des effets un peu trop magiques d’un premier tête-à-tête avec la bête : « Moi, je ne suis pas là pour faire autre chose que d’accueillir et d’alimenter le questionnement. Comme tous les coachs, je pose des questions. Ça arrive assez souvent que les gens veuillent l’illumination tout de suite et maintenant. Ils se disent qu’ils seront là pendant 3 heures alors que c’est sûr qu’ils vont ressentir quelque chose de puissant. Eh bien moi, si c’est ce qu’ils veulent, je le leur souhaite et je vais tout mettre en œuvre pour que ça arrive. ». Elle suggère néanmoins de planifier de 3 à 5 rencontres pour un travail en profondeur. En revanche, Carole Turcotte de Kinadapt observe qu’une petite journée de simple détente avec ses chiens permet parfois de décrocher et de revenir plus créatif :
« La spécificité des personnes qui viennent pour une seule activité de team building est qu’ils veulent avant tout sortir du quotidien, sortir de la boîte, pour décrocher et se permettre qu’en décrochant comme ça, on ne voit plus seulement l’arbre en avant de son visage. Ça te permet de mieux voir la perspective, toute la forêt. On est plus en mesure de trouver des solutions parce qu’on ne pense plus seulement à cela. Ils sont en groupe, souvent, et chacun tire quelque chose de différent. » Carole Turcotte, de Kinadapt
Selon Sandra Friedrich, la différence entre ce déclencheur momentané et une démarche plus profonde se jouera alors premièrement dans la préparation de la rencontre, en se fixant des objectifs précis et adaptés au client, comme dans toute bonne activité de consolidation d’équipe. Elle cherchera aussi à connaître les appréhensions de certains face à la rencontre ou aux animaux : « Parce que s’il y en a un qui n’est pas sûr de vouloir être là, ça se travaille. Mais si tu n’as pas d’objectifs, c’est sûr que tu vas faire une connerie. Donc, cela doit partir d’un objectif commun qui est de consolider. De là, on travaille en individuel et on revient en grand groupe. C’est toujours individuel-groupe, individuel-groupe. Alors là, il y a quelque chose qui se bâtit parce que ça se fait dans un environnement nouveau, que l’on se retrouve en jeans. Mais ça se tricote sur du moyen terme. »
Crédits photos de Kinadapt
Mais avant toute chose, un gestionnaire doit s’assurer de trouver un intervenant qui sache … intervenir, ce qui, en zoothérapie, vient souvent avec une bonne expérience, tant des animaux que des humains : « Ça prend une connaissance approfondie dans les techniques d’entrevue et d’animation. Du côté psychologique, il faut savoir quoi faire et, surtout, savoir tirer profit des situations inattendues. La balle roule en dessous d’une armoire : impossible de la récupérer. Est-ce que la séance est foutue ? Il faut avoir d’autres balles dans son sac, d’autres jeux et exercices. La laisse brise parce qu’elle est abîmée : ça prend une laisse de réserve dans notre sac. Ça prend une bonne connaissance du milieu où on va. » mentionne, entre autres, Georges-Henri Arenstein, qui reconnaît aussi la valeur des formations en zoothérapie au Québec : « Nous avons une corporation des zoothérapeutes qui est super bien organisée, qui oblige les membres à faire de la formation continue, sans quoi ils perdent leur statut de membre. » La continuité de cette formation lui paraît essentielle dans ce domaine où les découvertes se font à pas de géant.
Le choix d’arrimer un intervenant reconnu davantage pour son expertise en gestion de groupe et un coach en zoothérapie, une écurie ou un centre canin ne constitue toutefois pas toujours, aux yeux de Carole Turcotte, le mariage de raison le plus heureux : « Parce que l’intervenant qui arrive ici et qui est le leader officiel, là où ça pourrait être plus problématique, c’est premièrement le manque de confiance : le fait qu’il ne soit pas convaincu qu’ils vont avoir une activité intéressante. Et puis il y a l’anxiété : la peur qu’il arrive toutes sortes de choses : que les chiens mordent ou ne soient pas gentils. C’est ce genre d’anxiété qui pourrait nuire à la dynamique de groupe. Si l’intervenant est quelqu’un d’anxieux, il y a des chances que l’anxiété transparaisse. Si j’ai un responsable de groupe qui est anxieux, c’est avant tout avec cette personne que je vais travailler, pour ne pas qu’elle contamine le groupe avec son anxiété. Il y a des personnes qui ont peur et il y en a aussi qui veulent trop le contrôle. »
Heureusement, le fait que la zoothérapie soit un champ de spécialisation ouvert à tous les domaines et non une profession en soi permet à plusieurs clientèles d’y trouver les spécialistes dans un domaine qui leur convient : « Il y a des sexologues zoothérapeutes, des infirmières zoothérapeutes. Je connais même de policiers zoothérapeutes, parce que leur objectif est de faire enquête et de permettre aux victimes de parler plus facilement en présence de chiens. » évoque monsieur Arenstein. Mais cette latitude professionnelle constitue quand même une lame à deux tranchants, qui amène Sandra Friedrich à qualifier la situation actuelle de «jungle» :
« C’est vrai que, dans le monde du cheval et du chien, les personnes qui montent en grade ne sont pas nécessairement formées pour encadrer les humains. En plus, la plupart des formations ne sont pas reconnues. Tu es ‟comportementaliste canin”, tu es ‟intervenant en équi-thérapie” : ce n’est pas encadré au Québec et encore moins reconnu. Ça commence à s’organiser; donc tu peux tout à fait te retrouver avec quelqu’un qui prône une belle relation à l’animal et qui donne un coup de pied à son chien. Le manque d’encadrement est donc un gros problème. » Sanfra Friedrich, coach et formatrice
Heureusement, certaines normes commencent à s’imposer. Outre celles des associations et des formations de zoothérapie et d’équithérapie, les normes Équi-Qualité visent à assurer certaines règles de respect des chevaux ou de sécurité des cavaliers dans les organismes membres. Il n’existe pas exactement d’équivalent pour les chiens, mais les associations de chiens de traineau accréditées Aventure Écotourisme Québec doivent toutes avoir fait patte blanche devant le MAPAQ, qui assure la salubrité dans le traitement des animaux et la liste de ses contrevenants en maltraitance est consultable en ligne : « Tu peux savoir si une personne a un permis ou n’en a pas, parce que la personne doit l’afficher. L’entreprise pourrait nous faxer son permis et une preuve d’assurance responsabilité. »
Mais à travers cette jungle de normes et de propositions, Bernard Giles ne craint pas vraiment qu’une marée d’offres de services viennent de sitôt envahir ce domaine où le Joual Vair œuvre depuis si longtemps comme cowboy solitaire : « Je ne veux pas rester unique : il y a quand même des centres de thérapie et de réadaptation. Il y a beaucoup de centres aussi qui utilisent des animaux pour les autistes. Mais pour les opérations que je fais pour le team building, on ne sera jamais très nombreux. Cela demande une infrastructure et une expérience peu commune. C’est quelque chose qui coûte cher à opérer. Ça coûte cher à participer, comparé au fait d’amener ton équipe faire de l’arbre-en-arbre d’une journée. »
Pourtant, George-Henri Arenstein prévoit déjà ajouter le thème des approches plus préventives et de santé mentale au travail au corpus de formation qu’il prépare pour 2019. Madame Friedrich, de son côté, commence déjà à rencontrer des clientèles de plus en plus avisées, en quête de résultats précis : « Les étudiants du Cégep de Saint Jérôme ont communiqué avec moi en mars, par le biais de leur association étudiante. Ils me demandaient d’intervenir auprès des étudiants parce qu’ils allaient faire des examens et qu’ils étaient anxieux. Ils voulaient donc la présence de zoothérapeutes. Ce n’est pas moi qui suis allée. Mais ils ont appelé avant les examens parce que, justement, les recherches sont de mieux en mieux documentées sur le fait qu’un animal, avec le zoothérapeute et le client ou un groupe, cela apaise l’étudiant avant de passer des examens. Pour les groupes, en coaching, on a quand même beaucoup d’outils qui permettent de revenir à l’instant présent, d’aller chercher des forces. On a beaucoup de forces à l’intérieur de soi. »
Merci à
Bernard Giles, directeur de la ferme Joual Vair www.fermedujoualvair.com/fr
Carole Turcotte, copropriétaire de Kinadapt www.kinadapt.com/
Sandra Friedrich, coach, formatrice, animatrice et auteure www.sandrafriedrichcoach.com/
Georges-Henri Arenstein, psychothérapeute, intervenant et formateur en médiation animale, et ancien chargé de cours à l’UQAM www.authenticite.qc.ca
Pour mieux comprendre comment les animaux peuvent contribuer à aborder la vulnérabilité humaine en douceur, lisez la partie 1: Pour s’apprivoiser, par-delà des mots
Pour en savoir plus sur le rôle que l’animal peut jouer dans le rapprochement des humains, lisez la partie 2:Une bonne équipe, pour rapprocher les humains
Plusieurs autres publications sur la consolidation d’équipe vous attendent sur le Portail Immersion