Crédits photos de Kinadapt
Si tous ces experts rencontrés pour cet article ont au moins un compagnon à quatre pattes à la maison, ils n’en viennent pas moins à la certitude que, pour faire évoluer des personnes vers une meilleure communication, l’animal doit avoir développé des habiletés et avoir des caractéristiques qui lui permettent de bien s’adapter à l’humain qu’il doit soutenir, dans un cadre précis.
De plus, le psychologue et zoothérapeute Georges-Henri Arenstein croit que plusieurs choix s’imposent pour parvenir plus efficacement à créer la complicité : « Toutes les races de chiens peuvent faire de la zoothérapie, mais pas avec n’importe quelle clientèle. Alors on s’adapte aux clientèles en leur apportant le meilleur médiateur possible. » Après cette sélection plus générale, Carole Turcotte observe que le sentiment d’avoir pu créer un lien particulier avec un être d’une autre espèce, d’avoir l’impression d’avoir choisi de collaborer et d’avoir été choisi en retour, peut faire une différence significative, pour que l’apprentissage fasse son chemin : « Chez nous, j’ai des gens qui développent un lien affectif avec un chien en particulier. Il y a comme une chimie qui fait que le chien les suit partout. Si on s’en va en randonnée avec un chien ou que l’on fait du canicross, c’est sûr qu’il y a un chien qui va nous accrocher le cœur, parce qu’il a été plus proche de nous quand on a eu besoin qu’il nous écoute dans nos commandes. C’est ce chien qui aura tiré les autres chiens et tu vas te dire que ce chien-là, c’est le tien. »
L’expérience de Carole Turcotte, au Kinadapt, l’amène à confirmer, tout comme ses collègues, l’importance de l’animateur humain, entre autres pour gérer les tensions potentielles ou orienter la démarche vers les objectifs : «Il arrive que j’aie deux coqs ou, dans les équipes de sports, que je me retrouve avec deux leaders négatifs, qui vont avoir de la difficulté à accepter les nouveaux arrivants, par exemple. Le chien ne va pas faire quelque chose de précis, mais c’est nous, dans la manière que l’on anime, qui allons faire des mises en situation pour que ces personnes soient obligées de travailler ensemble. ». L’intervenant dûment formé est aussi le mieux placé pour saisir au vol les réactions inusitées suscitées par la présence de la bête pour les orienter vers un dialogue ou une complicité plus durable :
« Quel que soit le jeu, l’exercice ou la performance, quand il y a plusieurs participants avec le chien, c’est sûr et certain qu’un animateur compétent va faire un travail à l’horizontale : ‟Qu’est-ce que tu as envie de dire à ton voisin de gauche?” Le voisin de gauche entend le commentaire ‟Je t’ai admiré beaucoup, j’ai trouvé que tu as fait preuve de créativité, tu as fait quelque chose que je n’aurais jamais pensé à faire.” Ça, c’est favorable pour une équipe. » Georges-Henri Arenstein, psychologue
En fait, non seulement l’intervenant humain et l’animal atteindront plus efficacement leurs objectifs si tous deux sont formés, mais également s’ils ont su roder leur esprit d’équipe, ensemble, avec le temps : « Je connais mes chevaux parfaitement et mes chevaux sont aussi intelligents pour s’adapter également de leur côté. J’ai donc deux chances : celle de mon expérience pour cerner les gens et j’ai aussi mes chevaux avec qui je fais équipe pour compenser la marge d’erreur que j’aurais et pour m’adapter, en donnant plus ou en en donnant moins, selon le type de cavalier qu’ils sont. » rapporte Bernard Giles, qui évoque même que ses chevaux mentor contribuent à former les plus jeunes du Joual Vair
Georges-Henri Arenstein, de son côté, a su également faire place aux initiatives de sa partenaire canine : « Avant, j’avais une chienne qui rapportait la balle aux résidents dans un CHSLD. Ils étaient assis en cercle, dans une grande salle, avant l’heure du repas. La chienne court après la balle que je lance et la rapporte à quelqu’un d’autre. Je ne l’avais pas entrainée pour ça : c’est elle qui a décidé ça. La personne qui reçoit la balle sur ses genoux est surprise et la relance. »
D’ailleurs, à l’avis de tous, avoir de bonnes aptitudes à traiter l’humain est plus long et plus complexe à acquérir que l’expertise pour monter à cheval ou entrainer des chiens. L’intervenant avisé devra non seulement savoir travailler avec la réalité des échanges réactionnels entre l’humain devant lui et son complice animal, mais aussi avec toutes les projections qui peuvent surgir de cette relation sans parole et qui peuvent parfois fournir de précieux outils d’intervention : « Tout n’est pas projection, mais à partir du moment où cela me chatouille et que la personne dit ‟Ton chien s’ennuie” à la première visite, j’en profite. Je me suis demandé si cela se pouvait que mon chien s’ennuie et je me suis dit que non. Et quand bien même elle s’ennuierait, bonne chance pour détecter cela dans son regard. Alors quand j’ai confronté la personne en lui demandant ‟Toi, t’ennuies-tu?” elle a éclaté en sanglots. C’était bien visé et la séance n’avait pas encore officiellement commencé. La patiente ne se rendait pas compte qu’elle s’ennuyait dans sa vie. Mais en le disant, elle venait de se rendre compte qu’elle projetait. Donc, oui, c’est de l’anthropomorphisme, mais il peut être utilisé. C’est ce que j’aime appeler l’anthropomorphisme de bon aloi. » résume Georges-Henri Arenstein.
Carole Turcotte, de son côté, pousse parfois l’expérience imaginaire jusqu’à encourager ses participants à se trouver un animal totem, afin de mieux mettre à jour qui ils sont. Mais ces intervenants ont également assez d’expérience pour intervenir auprès des personnes qui se doivent d’accompagner une activité de consolidation d’équipe, sans avoir, forcément, la passion animale. La coach et auteure Sandra Friedrich y entrevoit même des façons d’explorer davantage les thèmes de la vulnérabilité et de l’acceptation dans ses groupes : « Souvent j’entends des gens me dire qu’ils ont monté un cheval fou et qu’ils sont tombés. Donc, on accompagne cette inquiétude. Si la personne ne veut vraiment pas, on va voir le gestionnaire et on lui dit ‟L’important, c’est que la personne soit présente”. En étant présente, cette personne participe, d’une autre manière, mais elle participe à ce qui est en train de se faire. Et ça, c’est justement accepter l’autre dans sa différence. »
Pour en savoir plus :
George-Henri Arenstein et coll. (2013), Zoothérapie, Quand l’animal devient assistant thérapeute, nouvelle édition, coll. Santé Bien-être, éd. Marcel Broquet, Salaberry de-Valleyfield, 222p.
Sandra Friedrich (2018) La Relation avec les animaux, La clé d’une société heureuse, coll. Psychologie, éd. Du Cram, Montréal, 214p.
Pour mieux comprendre comment les animaux peuvent contribuer à aborder la vulnérabilité humaine en douceur, lisez la partie 1: Pour s’apprivoiser, par-delà les mots
Pour savoir comment évolue et d’organise le milieu de la consolidation d’équipe avec les animaux, et trouver quelques repères et sources documentaires, consultez la partie 3: Un domaine en friche
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